Pendant l’été 2023, dans le cadre de notre opération « Les Baguettes magiques », 8 boulangeries du 12e arrondissement de Paris ont accepté d’échanger une baguette tradition contre un coupon. Pour obtenir 10 coupons, les 100 participant•e•s cotisaient, en fonction de leurs revenus, dans une des 5 tranches proposées (entre 2€ et 20€). Les personnes qui cotisaient 2€ obtenaient ainsi des baguettes à 20 centimes, financées par la caisse de l’expérimentation où chaque personne cotisait solidairement selon une tranche de revenus.
Voici l’histoire des Baguettes magiques.
• Tester la Sécurité sociale de l’alimentation
À partir de janvier 2023, nous avons commencé à réfléchir à ce que nous pouvions mettre en place à notre niveau pour expérimenter la Sécurité sociale de l’alimentation (SSA).
De nombreuses questions se sont posées. Valait-il mieux conventionner des produits ou bien des lieux de vente (comme une épicerie) ? Un produit fini ou un produit encore à transformer (comme de la farine) ? Devait-on et pouvait-on remonter jusqu’aux producteurs et productrices ?
Pour une première expérimentation, nous avons décidé qu’il serait plus facile de conventionner un seul produit, et plutôt un produit fini, directement consommable. Il fallait que ce produit parle au plus grand nombre, qu’il soit consommé au quotidien, et qu’il soit de qualité. La baguette, symbole alimentaire en France et produit consommé presque quotidiennement par une grande partie de population est apparu comme le produit à conventionner.
Fin février-début mars 2023, pour nous aider dans notre réflexion, nous avons créé un sondage que nous avons soumis aux gens dans la rue, sur les marchés et devant les magasins alimentaires du 12e arrondissement. Cela nous a permis d’une part de discuter avec les habitant.e.s du quartier pour faire connaître le projet de SSA et notre association, et d’autre part de récolter leurs avis sur les produits qu’ils et elles aimeraient le plus voir conventionnés.
Après analyse des résultats des sondages, notre choix s’est porté sur le pain et plus précisément sur la baguette tradition, qui offre des garanties de qualité : aucun traitement de surgélation, aucun additif et seulement 4 ingrédients (eau, farine de blé, levain, sel).
Nous avons décidé que l’expérimentation porterait sur le mois de juin 2023, et permettrait à une centaine de personnes du 12e arrondissement d’avoir accès à 10 baguettes tradition, quel que soit le montant de leur cotisation.
• Le moyen de paiement
Il fallait que l’argent redistribué par notre caisse aux participant.e.s ne puisse servir qu’à acheter les baguettes tradition. Il s’agissait donc de trouver un moyen de paiement facile, pratique, non reproductible et différent des espèces.
Notre premier choix s’est porté sur des jetons personnalisés. Ils répondaient à notre cahier des charges mais étaient trop coûteux, l’association n’ayant pas les moyens de payer plusieurs centaines d’euros pour la commande d’environ 1 000 jetons.
Nous nous sommes donc rabattus sur un système plus artisanal de coupons. Nous en avons imprimé plus de 1 000, décorés de jeux de mots sur le pain, sur lesquels nous avons tamponné le logo de la Marmite. Nous avons ensuite fabriqué 100 carnets de 10 coupons.
• Les tranches de cotisation
Un des piliers de la SSA étant de cotiser selon ses moyens, nous avons établi 5 tranches de cotisation dans lesquelles les gens pouvaient librement se placer pour recevoir 10 coupons correspondant à 10 baguettes tradition. Ces tranches de cotisation suggéraient la somme à donner en fonction de ses revenus :
• 2€ pour un revenu inférieur à 1000€ par mois
• 8€ pour un revenu compris entre 1000 et 1400€ par mois
• 12€ pour un revenu compris entre 1400 et 1800€ par mois
• 17€ pour un revenu compris entre 1800 et 2500€ par mois
• 20€ pour un revenu supérieur à 2500€/mois
(Le revenu s’entend comme le revenu net avant impôt pour une personne seule.)
• Le démarchage des boulangeries
Nous avons établi une carte des boulangeries indépendantes et artisanales (fabrication du pain sur place) du 12e arrondissement. Nous avons également écrit une convention à signer avec les boulangeries qui accepteraient de participer. À partir du mois d’avril, nous sommes allés à leur rencontre pour leur proposer notre initiative. Cette phase a été plus longue que prévue car les gérants n’étaient pas toujours présents. À la fin du mois, nous avions réussi à signer la convention avec 8 boulangeries réparties dans le 12e arrondissement. Il était important pour nous que ces boulangeries ne soient pas concentrées au même endroit, afin de toucher le plus de personnes possible.
• Le recrutement des participant.e.s
Début mai, nous avons commencé à recruter des participant.e.s en allant à la rencontre des gens dans la rue, notamment aux alentours des boulangeries concernées, mais aussi devant d’autres magasins alimentaires (Monoprix, Auchan, Miyam, BioCoop…) ainsi que sur des marchés comme celui d’Aligre. Nous avons également tenu un stand sur une brocante à la mi-mai.
Les personnes recrutées se plaçaient dans la tranche de leur choix, nous payaient le montant de la cotisation correspondante (via Lydia, en espèces ou par chèque), et en échange nous leur donnions un jeu de coupons. Certaines personnes, ne pouvant pas participer pour diverses raisons mais souhaitant soutenir le projet, nous ont également fait des dons.
Presque chaque jour pendant un mois, une équipe de bénévoles recrutait sur le terrain. Fin mai, la caisse comptait 100 cotisant.e.s. Toutes les tranches de cotisations n’étaient pas remplies selon la répartition que nous avions prévue, mais la caisse a atteint l’équilibre.
Le 1er juin a marqué le début de l’expérimentation : les cotisant.e.s pouvaient commencer à utiliser leurs coupons. Nous avons marqué le coup en organisant une soirée de lancement avec les cotisant.e.s, des associations travaillant sur la Sécurité sociale et de nombreuses autres personnes, pour parler des Baguettes magiques et de la Sécurité sociale de l’alimentation en général. Mathilde Bourjac, représentante du Collectif national pour une SSA, a prononcé un discours lors de ce moment festif.
Fin juin, nous avons constaté que tous les coupons n’avaient pas été utilisés et le dispositif a été prolongé jusqu’à fin juillet.
• La suite
Très bien accueillie par les participant.e.s et les commerçant.e.s du coin, cette expérimentation sera bientôt suivie d’une nouvelle initiative plus ambitieuse, toujours ancrée dans le 12e arrondissement.